Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris : Le décryptage par LE COURRIER Africain
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Ce 30 mai 2024 se tenait la traditionnelle Conférence mensuelle des Ambassadeurs Africains de Paris, organisée par l’agence française « AfricaPresse.Paris », spécialisée sur l’actualité économique africaine à Paris et l’organisation d’événements liés, grâce à l’aimable contribution du député français Bruno FUCHS (du groupe politique DEM, de la coalition présidentielle), très investi dans les relations franco africaines, qui a permis l’accueil de cet événement à l’Assemblée nationale française, en présence de personnalités africaines, dont certains ambassadeurs (Tchad, RDC, Arabie Saoudite).
C'est devant une assemblée d’auditeurs intéressés et attentifs que les panélistes ci-dessus ont débattu du thème choisi lors de cette conférence « Comment dérisquer investissements et entreprises dans les pays frontaliers du Sahel en crise ? », leur permettant d’exposer leurs arguments dans ce domaine, sous la houlette de M. Alfred MIGNOT des CAMPANI, Président fondateur de AfricaPresse.Paris et modérateur des conférences « CMAAP », qui, après une présentation des principales personnalités présentes et de certains partenaires (CIAN, ASOM…), a animé le débat.
C’est d’abord le géopolitologue Emmanuel DUPUY (IPSE) qui a dressé la situation géopolitique régionale, ses implications et perspectives, ainsi que les différents accords pouvant impacter la région, tout en faisant le constat que l’espace pour les libertés publiques, contrairement au Sénégal, s’est considérablement réduit dans la zone sahélienne depuis la période des coups d’État militaires initiés depuis 2020.
L’ambassadeur de la République du Tchad en France, S. E. M. Ahmad MAKAILA a ensuite rappelé les principales causes de la déstabilisation dans la région du Sahel, en particulier dans la zone frontalière Nord en ce qui concerne son pays, conséquences du renversement de KADHAFI en octobre 2011, qui a permis une vaste circulation des armes dans toute la région et le développement d’un terrorisme et de revendications territoriales par certains groupes armés.
La mutualisation des moyens politiques, économiques et militaires permis avec la création du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), a souffert de ses problèmes de financement et est aujourd’hui moribond, mais se poursuit quand-même avec le G2 (Mauritanie et Tchad) et des actions plus spécifiques avec la nouvelle AES (Alliance des États du Sahel), en collaboration avec certains partenaires occidentaux.
Mme Lucia PIETRY (groupe anglosaxon BPL Global) a exposé les atouts de son groupe en matière d’assurances de risques de crédit et de risques politiques (leur spécificité qui reste peu connue).
Sa société est capable d’accompagner des exportateurs français dans leurs projets d’exportations en Afrique, y compris dans des zones de tensions, de crises et ou d’instabilité politique par la rédaction de polices d’assurance sur mesure.
M. Ioan PLESCA (Prætorian Trajan et ancien légionnaire) a présenté les services de sécurité pouvant être rendus par sa société dans le cadre d’une implantation économique dans des zones africaines à risque, y compris au Sahel, par une sécurisation des personnels et des biens, par des solutions de sécurité-sûreté adaptées comme la télésurveillance, la vidéoprotection, la géolocalisation (pose de balises), le transport sécurisé de personnes et de biens et la formation spécialisée dans le domaine de la sécurité.
S. E. Mme Emanuela DEL RE (Représentante spéciale de l’Union Européenne pour le Sahel depuis le 01/07/2021) a fait un brillant exposé des forces et des faiblesses des interventions européennes, insistant sur le fait que l’Europe parle d’une seule voix dans cette région du monde, qu’elle n’a pas vocation à faire de l‘ombre à la France, qui malgré les difficultés actuelles, reste un partenaire de premier plan et que l’Europe reste, quoi qu’en disent les détracteurs, le partenaire le plus fiable et le plus naturel pour le Sahel.
Ce n’est pas un problème de compétition entre blocs et pays, mais plus un problème d’organisation et de management pour l’Europe selon elle.
Pour clore le débat, nous avons eu l’honneur de l’intervention de M. Bruno FUCHS, député, Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), membre de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française (ANF) et corapporteur du dernier « rapport d’information sur les relations entre la France et l’Afrique », présenté le 08 novembre dernier devant la Commission des affaires étrangères de l’ANF, qui revenait d’une mission le matin même du Cameroun.
Il faut reconnaître au député le mérite de ne pas pratiquer la langue de bois, et de savoir dresser et dire les forces et les lacunes de la politique française en Afrique (et pas seulement des problèmes de délivrance des visas à ceux qui le méritent), de proposer les éventuelles perspectives, de préconiser l’édification d’une nouvelle stratégie africaine pour la France, de ce que pourrait être les nouveaux partenariats entre la France et les « Afrique ».
Il a tenu à souligner que, face au fort développement démographique et économique attendu en Afrique, aucun pays au monde ne peut prétendre pouvoir répondre seul aux besoins de développement du continent africain, pas même la Chine et donc encore moins la France, qui se doit de passer d’un raisonnement et d’une approche historique unilatéralisme (savoir accepter la fin des anciens « pré-carré et ou des chasses gardées ») à une approche « multilatéralisme opérationnelle », sous des modes de partenariats dits gagnant/gagnant, et non plus seulement de coopération et ou d’assistanat.
À l’inverse, la France, pour tirer « son épingle du jeu » dans cette compétition économique internationale, se doit d’être innovante, et de proposer aux pays africains, ce qu’il qualifie des aides à la souveraineté, qu’elles soient politiques ou économiques (le FCFA étant un faux débat), prenant comme exemple d’aider les autorités locales et les forces économiques vives à développer leurs industries transformatrices afin de moins exporter des produits bruts et de moins importer des produits finis.
La France reste, selon lui, un modèle pour les jeunes générations africaines, contrairement à d’autres pays du monde certes plus agressifs sur un plan économique, mais qui n’offrent pas un modèle d’émancipation satisfaisant et attractif pour l’exercice des libertés publiques, de la démocratie, de l’État de droit pour toutes les nations de l’Afrique, prenant le Sénégal pour exemple.
Le député a rappelé la mission de l’Envoyé personnel du Président de la République française, Jean-Marie BOCKEL, dont le rapport attendu pour courant juillet prochain, devrait acter sur le plan de la coopération militaire, l’évolution de nos bases militaires contenant des forces opérationnelles stationnées en la constitution d’académies militaires de formation et d'accompagnement pour les pays concernés.