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Depuis 2000, la zone euro accuse un retard de croissance de 17 % par rapport aux Etats-Unis. Cet appauvrissement relatif dans un monde de plus en plus hostile met en lumière nos vulnérabilités. Seul le parachèvement de l’intégration européenne permettra de les surmonter, estime dans sa chronique Stéphane Lauer, éditorialiste au « Monde ».
La zone euro est composée de 20 pays, qui partagent aujourd’hui une monnaie unique
Au moment où l’économie américaine semble réussir son atterrissage en douceur après la poussée inflationniste des derniers mois, l’Europe reste clouée au sol. En 2023, le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis a progressé cinq fois plus vite que celui de la zone euro.
 
Comme après chaque crise, la première économie du monde fait preuve d’une résilience qui lui permet de creuser encore un peu plus l’écart avec le Vieux Continent. Peut-on encore parler de match lorsqu’on ne joue plus dans la même catégorie ? Jusqu’aux années 1980, les deux économies ont convergé. Depuis, on assiste à une dérive macroéconomique des continents avec une Amérique, qui, malgré les crises, continue d’avancer, et une Europe qui tourne au ralenti. Vingt-cinq ans après la création de la monnaie unique européenne, le score est sans appel.
 
Le rythme de la croissance américaine a été plus du double de celui de la zone euro. Depuis 2000, celle-ci accuse désormais un retard de 17 % par rapport aux États-Unis. La conjoncture récente n’a pas aidé. La guerre aux portes de l’Europe a obligé à se passer de gaz russe bon marché, plongeant le Vieux Continent dans une violente crise énergétique. Les États-Unis, forts de leur autonomie, ont mieux encaissé le choc, tout en augmentant leurs exportations de gaz naturel liquéfié vers l’Europe.
 
Il faut aussi tirer le bilan des politiques déployées de part et d’autre de l’Atlantique pour amortir les effets de la pandémie de Covid-19. Là encore, la balance penche en faveur des Etats-Unis. L’Europe a choisi de protéger en indemnisant le chômage partiel. Le gouvernement américain, lui, a préféré distribuer sans compter des chèques à ses administrés. La consommation a redémarré beaucoup plus vite, faisant tourner l’économie à plein régime. Le dogme allemand a primé Le revers de la médaille de ce puissant stimulus a été de déclencher une inflation galopante. L’Europe a été également confrontée au même phénomène.
 
Néanmoins, la hausse des prix n’était pas due à un excès de demande, mais à des facteurs extérieurs, à savoir l’envolée des cours du gaz et du pétrole. La remontée des taux d’intérêt aux Etats-Unis a servi à calmer la surchauffe provoquée par le boom de la consommation. La Banque centrale européenne (BCE) ne pouvait pas faire baisser les prix de l’énergie. En revanche, elle a été très efficace pour étouffer la croissance. Les choix des États-Unis ont bien entendu un coût : un déficit budgétaire abyssal, qui s’élève à 7 % du PIB, pendant que la zone euro est vite revenue dans l’épure maastrichtienne des 3 %, la France restant l’exception qui confirme la règle.
 
Certes, les Vingt-Sept ont su éviter les erreurs de la crise de 2011, lorsque la politique de rigueur déflationniste impulsée par la BCE avait plombé la zone euro. Cette fois, des plans de relance ont bien été déployés, mais une partie des montants n’est toujours pas décaissée et surtout les freins budgétaires ont déjà été réactivés.
 
Avec la réforme du pacte de stabilité et de croissance, la zone euro avait une bonne occasion de changer de logiciel en faisant le distingo dans le calcul des déficits entre les dépenses d’investissement (notamment pour la transition écologique) et les dépenses courantes. Une fois de plus, le dogme allemand a primé : la réforme prolonge l’esprit de l’accord de Maastricht, en plus compliqué. Un exploit !
 
Pendant que les Européens se mettent des boulets budgétaires aux pieds, les Américains multiplient les subventions pour attirer les investissements qui soutiendront la croissance de demain dans la décarbonation (Inflation Reduction Act) et les microprocesseurs (Chips Act). L’Europe tente de répliquer mais de façon désarticulée, donc moins efficace. Sur les enjeux stratégiques, les vieux réflexes sont toujours à l’œuvre : chacun tente de préserver ses propres intérêts au lieu de conjuguer les efforts au profit du collectif.
 
S’ajoutent aussi les retards de productivité de la zone euro. Comme le soulignait l’économiste Patrick Artus dans une tribune publiée dans les Echos fin janvier, la productivité par tête a progressé de 43 % aux Etats-Unis depuis 2002, contre 10 % dans la zone euro. Cet écart s’explique par davantage d’investissement en nouvelles technologies, de dépenses de recherche et développement et de dépôts de brevets.
 
Á l’arrivée, c’est plus de création de richesse aux États-Unis. Parachever l’intégration européenne Autre handicap européen : la capacité de financement de l’économie. Qu’il s’agisse de capitalisation boursière, de levée de fonds dans le cadre du capital-investissement ou d’orientation de l’épargne des particuliers, les États-Unis disposent d’un écosystème beaucoup plus efficace pour soutenir la croissance et les besoins des entreprises.
 
Le décrochage de l’Europe n’est plus une menace, c’est une réalité à laquelle il est urgent de s’attaquer, car le point de non-retour est proche. « Si l’UE [Union européenne] est vouée à être dépendante de la superpuissance américaine, nous risquons d’être exposés en permanence à des pressions concurrentielles qui finiront par empêcher la construction européenne de se parachever avec un risque de dislocation à la clé, estime l’économiste Véronique Riches-Flores. Tant que nous étions dans un monde amical, notre appauvrissement relatif passait inaperçu, mais aujourd’hui les tensions géopolitiques jettent une lumière crue sur nos vulnérabilités. »
 
Souverainistes et populistes prétendent que le redressement passe par une Europe des nations, moins intégrée, dans laquelle chacun reprendrait le contrôle de son destin. C’est exactement ce que souhaitent nos rivaux, alliés ou adversaires déclarés. La solution consiste au contraire à parachever l’intégration européenne en se dotant enfin d’une Union des marchés des capitaux, de capacités d’emprunt communautaires, d’un budget digne de ce nom pour piloter les investissements dans les domaines stratégiques et enfin en favorisant l’émergence d’une Europe qui se pense en tant que puissance, pas seulement comme un marché.
 
Ce sont ces thèmes qui doivent irriguer le débat des élections européennes prévues en juin.
Source Le Monde | Stéphane Lauer, Éditorialiste au « Monde »

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